La dimension emblématique de NostradamusPar Jacques HalbronnOn n’a pas assez signalé et souligné le cas très étrange des Contredicts du Seigneur du Pavillon les Lorriz aux « faulces & abusives prophéties de Nostradamus & autres astrologues », parues en 1560. En effet, cet ouvrage, dans le corps du texte, ne cite jamais le nom « Nostradamus », si ce n’est en haut de chaque ouverture « Contreditz à Nostradamus »De quoi traite l’ouvrage ? Couillard ne cite aucun nom. Il emploie le mot générique d’astrologues qui figure déjà au titre « prophéties de Nostradamus & autres astrologues »Le mot « prophéties » ici ne concerne donc pas uniquement Nostradamus. Ce sont des prophéties d’astrologues dont Nostradamus. Couillard témoigne ainsi que le terme prophétie est, à ses yeux, parfaitement compatible avec l’activité astrologique voire même qu’il la définit. Est-ce une acception qui lui est propre par laquelle il entend désigner tout processus prédictif ou est-elle alors en vigueur, il conviendrait de le préciser par ailleurs tant la démarche couillardienne se révéle plus globale, plus distanciée, que tant d’autres écrits antinostradamiques[1] de l’époque comme ceux d’un Videl (cf infra)Par ailleurs, au tout début de son ouvrage, Couillard cite son précédent texte « Les Prophéties du Seigneur du Pavilllon ». On note dans les deux cas que le nom de Couillard ne figure pas au titre ni de ses Prophéties de 1555 ni de ses Contredicts de 1560.En citant ses propres Prophéties, Couillard ne les référe nullement à Nostradamus, puisque l’on a remarqué qu’il ne citait aucun auteur dans le cours de son propos si ce n’est Roussat, l’auteur du Livre de l’Estat et Mutation des Temps qu’il semble plus pratiquer que Nostradamus- et c’est probablement par cette référence au sein des Contreditz que les bibliographes ont été guidés vers ces Prophéties qui ne comportent pas Nostradamus en leur titre. D’ailleurs faut-il rappeler que dans les dites Prophéties, le nom de Nosradamus n’est cité qu’une fois, sous la forme « Maistre Michel Nostradamus » à propos de son fils César et de son « espouventable Epistre » dans laquelle il évoque son dit fils mais dont il n’est nullement indiqué qu’il la lui dédie.
Si donc on réunit les Prophéties et les Contredicts , Couillard ne se référe explicitement et nommément à Nostradamus qu’une seule fois et encore de façon assez anecdotique et digressive à propos de son fils- et ce n’est nullement au début de son ouvrage- dont Nostradamus ne donnerait pas l’âge exact. Rien de précis concernant son travail d’astrologue à la différence d’autres adversaires comme Laurent Videl.<\div>
Certes, on nous dira que nous savons que Couillard, de fait, reprend des passages de la Préface à César mais cela les lecteurs ne le savaient pas et il importe d’éviter toute projection et tout anachronisme. Rien en effet n’indique au lecteur qu’il est question d’éléments empruntés à quelque épitre de Nostradamus, si ce n’est cette bréve allusion à César, en quelques mots. Certes, Laurent Videl cite également des passages que l’on retrouve dans la Préface à César, en tête des Centuries et lui, en revanche, s’en prend à Nostradamus mais en ce qui concerne ses publications annuelles. Il ne mentionne aucun des quatrains des Centuries, dont il aurait tout loisir de se gausser et en cela il ne fait pas mieux que Du Pavillon, deux ans plus tôt, lequel lui non plus n’apporte rien de concret en ce domaine. [2]Certes, la Préface à César comporte-t-elle des passages que l’on retrouve chez Couillard et chez Videl. Chez le premier, ces passages ne sont pas attribués à Nostradamus, hormis la référence à l’âge de César qui est effectivement le point de départ de la Préface centurique à César. Chez le second, Videl, vu que celui-ci ne parle que de Nostradamus, la référence est plus explicite.Nous poserons la question suivante : est-ce que Couillard n’aurait pas recopié Videl ?On nous objectera que Videl a publié en 1558 sa Déclaration des abus, ignorances et séditions de Michel Nostradamus de Salon de Craux en Provence après les Prophéties du Seigneur du Pavillon. (1556) Mais était-ce sa première édition ? Il est en effet remarquable que Videl se référe à toute une série de publications dont certaines remontent à 1552 et bien entendu à 1555, à croire qu’il collectionne ses œuvres. Pourquoi n’aurait-il commencé à publier ses critiques qu’en 1558, à Avignon. Il est d’ailleurs précisé « nouvellement traduit de latin en françois », ce qui indique pour le moins une édition antérieure. On note aussi que le nom de l’auteur ne figure pas au titre mais dans une épitre datée de novembre 1557. Tout semble indiquer que Videl serait bien mieux documenté que Couillard concernant les publications de Nostradamus, et ce sur plusieurs années. Nous considérons donc probable que la Déclaration, en une édition moins récente et donc ne couvrant pas les dernières publications, aura servi à Couillard pour la rédaction de sa parodie.En fait, si l’on admet que Couillard ne connait pas grand-chose de première main concernant la production de Nostradamus- qui, au témoignage de Videl, était déjà publiée depuis quelques années, il devient moins inexplicable que Couillard ait pu, en 1560, reprendre le nom de Nostradamus sans le traiter d’aucune façon directement dans son texte. Tout se passe comme si Couillard avait une vision abstraite de Nostradamus, comme sison nom était, pour lui, emblématique de toute la corporation astrologique d’où ce « Nostradamus & autres astrologues ». On notera aussi que Couillard utilise en 1560 une formulation qui recoupe celle de Videl avec l’idée d’abus.(abusifves). Connait-il les textes qui visent en leur titre Nostradamus sous des anagrammes : Monstradamus, Monstre d’abus ? Le pamphlet de Videl est le seul chez les adversaires de Nostradamus à mentionner explicitement le nom de Nostradamus en son titre. (on trouve par erreur une autre mention chez Benazra, RCN, p. 24, Nostradamus à la place de Monstradamus, à propos de la Première Invective d’Hercule le François)Le travail de Couillard se veut concerner l’astrologie en général et non tel astrologue en particulier. Il doit être classé parmi les essais anti-astrologiques fort nombreux à l’époque, comme celui de Jean Calvin, Avertissement contre l’Astrologie Judiciaire, paru en latin puis en français quelques années plus tôt., en 1549, On peut y voir quelque influence dans l’emploi par Couillard de « Contreditz » tant au titre que dans les hauts de page. La mention de Nostradamus n’a donc pas la même incidence que chez Videl qui chipote sur certaines erreurs techniques et qui s’adresse directement au dit Nostradamus, en le prenant à partie. On notera qu’en 1556, Couillard obtint l’autorisation de publier ( cf. en tête de l’ouvra, l’adresse « A Monsieur le Prevost « ) ses Prophéties, alors que Nostradamus était bien en cour. Cela tient probablement au fait que le dit Nostradamus n’y était pas explicitement brocardé.Couillard cite d’ailleurs au pluriel les « nouveaux prophètes » que prétendraient être les astrologues. L’emploi récurrent du pluriel, typique de la démarche couillardienne, en ses deux ouvrages, refléte une dimension en quelque sorte sociologique voire épistémologique.Au bout du compte, il nous semble que dans l’état actuel des données disponibles, il serait quelque peu prématuré de parler de l’existence de « prophéties de Nostradamus » parues de son vivant et à son instigation. Le « témoignage » de la pièce conservée à Moscou ne suffit évidemment pas. Rien ne prouve à ce jour qu’Antoine Arnoulphe ait été en position de publier quoi que ce soit, autour de 1568. Tous les renseignements dont nous disposons pointent sa présence au début du XVIIe siècle. Il est possible qu’Arnoulphe ait commenté une édition Benoist Rigaud datée de 1568 ; comme il en existait à la fin du XVIe siècle et au début du siècle suivant, et en ait fait quelque commentaire ayant connu un certain succés, puisqu’il est repris par d’autres, responsables d’une formulation ambigue « pour l’an 1568 ».. Le titre Resolution des propheties de Nostradamus pour l’an 1568. Extraitte (sic) du discours de ses commentaires selon les distinctions astronomiques de M. Ant. Arnoulph, médecin à Ausonne peut se comprendre autrement comme une formule maladroite pour désigner une telle édition censée parue en 1568 et non quelque texte visant spécifiquement cette année là. Il faudrait dès lors classer Arnoulph comme un contemporain du Petit Discours ou commentaire sur les Centuries de Maistre Michel Nostradamus impriimées en l’année 1555, datant de 1620, (cf Benazra, RCN pp ; 182-183) dans la mesure où sa sortie du statut ecclésiastique date de 1613 et qu’il serait devenu médecin, c’est d’ailleurs ce que nous suggère Gérard Morisse..On en saura plus quand la pièce nous sera, un jour, fournie.
Car du vivant de Nostradamus, le dossier « Prophéties de Nostradamus » reste très léger. Il tourne essentiellement autour d’Antoine Couillard qui aime utiliser ce terme (en 1556 puis en1560) et dont on cru qu’il constituait une source fiable. Or, nous avons montré que ce Couillard avait sa façon à lui de présenter les choses et qu’il cherchait un terme global pour désigner l’ensemble des activités astrologiques, tous genres confondus et qu’il se serait arrêté, à tort ou à raison, au mot Prophéties. Certes, il existe un extrait des registres de la sénéchaussée de Lyon, figurant en tête de l’édition Macé Bonhomme 1555 mais le moins qu’on puisse dire est que ce texte est suspect, il n’a pas été retrouvé dans les archives et l’on peut penser qu’il s’agirait d’un Extrait retouché, d’où un certain caractère d’authenticité en ce qui concerne les signataires. Les autres « haineux » de Nostradamus ne mentionnent pas explicitement des « prophéties » même s’ils discutent de la condition du prophéte, mais dans un sens biblique différant de l’usage qu’en fait Couillard qand il parle de « nouveaux prophétes » [3]. Certes, il est question de « vaticinations perpétuelles » terme que semble avoir utilisé Nostradamus si l’on en croit ceux qui prétendent le citer (ce qui se retrouve dans la Préface à César qui reprend des textes de seconde main), à une certaine époque et que reprennent ses détracteurs, mais il peut s’être agi d’une publication sans lendemain, si l’on peut dire, au début des années 1550, dont on n’a pas gardé de trace, si ce n’est dans certains registres manuscrits de librairie décrits par Gérard Morisse[4] mais on ne trouve pas mention de ce terme dans les priviléges énumérant ses publications[5] du moins pas pour 1557 . Débat important puisqu’il concerne ni plus ni moins que la question de l’authenticité des éditions des « Prophéties de M. Michel Nostradamus », censées parues en 1555, 1557 et 1568. Il reste que l’on aurait quand même poussé le zéle jusqu’à indiquer une parution chez Benoist Rigaud en cette même année 1568. De fait, la référence à Rigaud 1568 s’est alors imposée dans la production nostradamique, à partir du régne des Bourbons, et elle est notamment reprise par l’édition troyenne antidatée de 1605 (cf Benazra, RCN, p. 156)
JHB22. 06.12
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Monday, 25 June 2012
La dimension emblématique de Nostradamus
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