Sunday 6 May 2012

Les "aventures prophétiques de Michel Nostradamus" , du "par" au "de".

 

ESTUDES NOSTRADAMIENNES

Les "aventures prophétiques de Michel Nostradamus" , du "par" au "de".

par Jacques Halbronn

Résumé : les éditions authentiques de Nostradamus recourent à la forme « par » (composé par) et non à la forme « e » (prophéties de Nostradamus)

On ne peut plus raisonnablement, en ce début de XXIe siècle, continuer à employer le nom "Nostradamus" pour désigner l'auteur des Centuries, comme si de rien n'était [1] .

La moindre précaution scientifique exige de s'en tenir à la désignation d'un corpus sans préjuger de son auteur, dès lors que cette attribution du dit corpus au dit auteur fait raisonnablement question.

C'est pourquoi en 1990, lors de la parution du travail de Robert Benazra, nous avions opté, en notre qualité d'éditeur pour Répertoire Chronologique Nostradamique alors que venait de paraître la Bibliographie Nostradamus de Michel Chomarat. On peut ainsi regretter la formule "Corpus Nostradamus" utilisée par Patrice Guinard [2] ou celle de "Répertoire Chronologique Nostradamus" par Mario Gregorio, en retrait par rapport à celle de l'ouvrage de Benazra.

Lors de la soutenance, en octobre 2007, à la Sorbonne, de notre post-doctorat consacré à la "naissance de la critique nostradamienne", nous avions protesté par rapport à l'utilisation par certains membres du jury de la forme "Nostradamus" pour qualifier d'office l'auteur des Centuries, dans le style "Nostradamus écrit...." [3] Un tel constat en dit long sur le retard des études nostradamologiques par rapport à d'autres domaines. Ne parle-on pas de la Bible, sans dire "Moïse à écrit", alors que c'est la fiction véhiculée par l'Ancien Testament?.

Cette insistance à garder le nom "Nostradamus" comme indiquant la paternité des Centuries nous apparaît comme la marque d'une regrettable résistance.

Il semblerait, en effet, beaucoup plus prudent, de désigner l'oeuvre par son nom, Centuries ou à la limite en complétant par "de Nostradamus". D'ailleurs, dans l' "extrait de la sénéchaussée" relatif à l'édition (antidatée) de 1555, il est indiqué "Prophéties de M. Michel Nostradamus" comme constituant un titre en soi comme l'on dirait les Aventures de Tintin ou celles de Sherlock Holmes. Nostradamus n'est plus dès lors qu'un personnage auquel l'on prête toutes sortes de quatrains prophétiques. Le fait d'ailleurs de présenter des "suites" est bel et bien avéré en ce qui concerne les Centuries, comme c'est le cas pour la Nouvelle Prophétie de M. Michel Nostradamus, Paris, Sylvestre Moreau, 1603.

Il est étonnant que les spécialistes de littérature qui se sont intéressés aux Centuries, comme Jean Céard ou Jean Dupébe, n'aient pas fait preuve de la même prudence au regard de l'auteur des Centuries que pour d'autres oeuvres dont le héros n'est visiblement pas l'auteur.

Pourquoi donc, avec Nostradamus, rechignerait-on à présenter celui-ci comme un prétexte à rassembler au sein d'un même corpus des textes étalés sur des décennies? Tout se passe comme si l'on traitait Nostradamus comme Jésus de Nazareth et encore, dans ce cas, l'on signale bien que telle Evangile est de tel "saint" (Jean, Marc, Mathieu, Luc).

Comment se fait-il donc que concernant un ensemble aussi composite, l'on préfère s'en tenir, par principe, à la fiction selon laquelle Michel de Nostredame serait l'auteur à part entière des Centuries?

Il s'agit en fait de l'interdit du signifiant. Entendons que l'on admet que les Centuries aient été commentées voire qu'elles aient pu être ici et là retouchées, délibérément ou non - c'est la question des variantes, chère à Patrice Guinard - mais l'on n'est pas, pour autant, enclin à priver Nostradamus de sa paternité totale sur le texte centurique, par delà les tribulations et les vicissitudes qu'il aurait pu subir.

Il ne s'agit, évidemment pas, de nier l'existence de Michel de Nostredame mais celle-ci ne saurait préjuger de sa paternité sur les Centuries, dont il ne serait en fait que le héros comme le Don Quichotte de Cervantés auquel on fait aussi tenir des propos. Nostradamus est, selon nous, le type même de l'auteur fictif mais en même temps, la fiction consiste précisément à en faire un auteur....

Pour en revenir aux Aventures de Sherlock Holmes, par Conan Doyle, l'on rappellera qu'elles sont censées être l'oeuvre du Dr Watson, compagnon du détective. Nous avons donc trois niveaux de protagonistes : Doyle, Holmes, Watson autour d'une seule et même oeuvre, là où pour les Centuries, il n'y en qu'un et où pour le Nouveau Testament, il y en a deux, Jésus et tel ou tel Evangéliste.

L'idée de considérer Nostradamus comme le personnage d'une sorte d'odyssée prophétique nous parait assez heureuse et cela ferait en effet basculer les Centuries dans le champ proprement littéraire. Or, il se trouve que le succès même des Centuries tend à les situer sur un autre plan, qui exige de conférer une réalité en soi à l'oeuvre, à lui conférer les attributs d'une incarnation en bonne et due forme. D'où l'omniprésence obligée du nom de Nostradamus non point seulement comme celui auquel on prête des prophéties mais qui en serait, stricto sensu, l'auteur.

.On en vient ainsi en traiter sur un même pied ce dont Michel de Nostradamus est véritablement l'auteur ou le serait vraisemblablement, comme pour sa Correspondance, certaines épîtres, quitte à s'interroger sur le travail d'édition subséquent , et ce dont il est le personnage de fiction.

Le problème, soulignons-le, tient au fait que ce personnage de fiction est supposé écrire, que c'est même son "action" par excellence, que ses "aventures" sont de l'ordre de l'écriture. Le mot aventure est d'autant plus adéquat, ici, qu'il renvoie à l'avenir,à la "bonne" aventure.

Il serait bon de consacrer une thèse de doctorat, si cela n'a pas déjà été fait, au cas de cette littérature campant des gens de lettres produisant des textes, des Madame de Sévigné imaginaires. Pourtant, les exemples ne manquent pas à commencer par les Lettres Persanes de Montesquieu. Il semble, au vrai, que les exemples sont peut-être plus nombreux qu'on le croit d'auteurs fictifs auxquels on aura fini par attribuer l'oeuvre qui les met en scène, et le cas de Moïse, pour la Genèse et l'Exode, est emblématique.

Avouons que la question de l'auteur d'une oeuvre devrait être abordée avec un certain luxe de précautions et ce d'autant plus quand il s'agit d'une oeuvre campant un ...auteur, dont les seules "aventures" sont de l'ordre de l'écriture...

D'ailleurs, l'examen des titres du corpus nostradamique ne laisse de prolonger une ambiguïté dont on peut se demander si elle existait, tant que cela, dans les premières éditions. On l'a noté plus haut, la forme "Prophéties de Nostradamus" est récurrente, quand bien même Prophéties serait-il remplacé par d'autres formules plus ou moins équivalentes. Une étude des pratiques concernant les titres des oeuvres et la mise en évidence de leur auteur serait la bienvenue. L'aspect typographique nous semble ici déterminant, selon que le nom de l'auteur est composé dans les mêmes caractères que celui de l'oeuvre. La forme "de" est en tout cas à distinguer de "composé par".

C'est ainsi que les almanachs et les pronostications du corpus nostradamique comportent la forme " composé par Maisttre Michel Nostradamus" ou tout autre équivalent tandis que les prophéties, censées être contemporaines, apparaissent sous la forme "Prophéties de M. Michel Nostradamus".

En anglais, il en est de même, notamment pour l'édition de 1672:

The true Prophecies or Prognostications of Michael Nostradamus (....) translated and commented by Theophilus de Garencières

Le code en usage serait bel et bien de réserver "de" (of) pour la fiction et "par" (by) pour la paternité avérée ou déclarée, ce qui ne vaut évidemment pas quand le "par" reste anonyme, mais vaut quand on recourt à un pseudonyme.

La forme moderne a dépassé ce cadre, l'usage voulant que l'on inscrive en tête l'auteur, et en dessous le titre de l'oeuvre sans relier ces deux éléments par une quelconque préposition.: Conan Doyle. Les aventures de Sherlock Holmes.

La forme traditionnelle "composé par'" est tombée en désuétude, ce qui explique probablement qu'on n'y ait pas accordé toute l'importance qu'elle mérite quant à sa présence ou son absence dans les titres du corpus nostradamique. Notons que les titres latins faisaient déjà précéder le nom de l'auteur comme dans Joannis Keppleri (..) De Stella Nova, Prague, 1606.

Parcourons à présent le corpus iconographique que nous avons constitué, au tome III; pour notre post doctorat, Le Dominicain Giffré de Réchac et la naissance de la critique nostradamique.

Un des rares auteurs à pratiquer le "de" est Jean Bodin

Les six Livres de la République de I. Bodin, Paris, 1577

Le Théâtre de la Nature Universelle de Jean Bodin, Lyon, 1597

Quant à Jean Aimé de Chavigny, si la Première Face du Ianus François mentionne "par Jean Aimes de Chavigny", Lyon , 1594, en revanche l'édition abrégée de 1596 adopte le titre Commentaires du Sieur de Chavigny, 1596, forme qui sera reprise en 1603 avec Les Pléiades du Sieur de Chavigny. On notera que la forme de 1594 fait ressortir deux protagonistes, le "Janus François", introduit par "de" et " Jean Aimes de Chavigny", introduit par "par".

Signalons aussi les deux bibliographies : La Bibliothèque du Sieur de la Croix du Maine, 1584 et La Bibliothèque d'Antoine du Verdier, 1585

Même les "successeurs" attitrés, en quelque sorte, de Nostradamus préfèrent la forme "par" tel Antoine Crespin, auteur de Prophéties par l'astrologue, Lyon, 1572 et c'était déjà le cas de la Prophétie Merveilleuse (...) par Mi. de Nostradamus, à la fin des années 1560.

Toutefois, il existe des cas qui demandent que l'on s'y arrête. C'est le cas des pamphlets contre Nostradamus. Il existe une parodie d'Antoine Couillard, sous le titre" Les Prophéties du Seigneur du Pavillon lez Lorriz", Paris, 1556. Cette fois, l'auteur est bien introduit par un "de" comme dans ses "Contredictz du Seigneur du Pavillon (...) aux faulses & abusifves prophéties de Nostradamus", Paris, 1560.. On trouve aussi en 1558 "La première invective du Seigneur Hercules le François contre Monstradamus", Paris. On notera dans les trois cas le mot "Seigneur". .

On pourrait en conclure qu'Antoine Couillard a recouru à cette forme du fait de sa parodie de l'oeuvre de Nostradamus, Les Prophéties de M. Michel Nostradamus, Lyon, Macé Bonhomme, 1555. Mais, nous ne voyons pas pourquoi cette publication ne suivrait pas le même schéma de présentation que tout le reste de la production de Nostradamus, y compris la Paraphrase de Galien ou ses divers traités extra-astrologiques. Nous pencherions plutôt pour une autre hypothèse, à savoir que ces pamphlets anti-nostradamiques auraient servi aux faussaires et les auraient conduits à en déduire, à tort, que le titre d'origine était Prophéties de M. Michel Nostradamus. . Nous avons montré ailleurs que la bibliothèque nostradamique dont disposèrent certains "éditeurs", à la fin du XVIe siècle, incluait un texte anti-nostradamique comme Le Monstre d'abus,(...) composé par Maistre Jean de La Daguenière, Paris, 1558..

Signalons toutefois, dès 1569, peu après la mort de Nostradamus, la Prognostication de Jaques Brochier; ¨Paris, ouvrage qui comporte un commentaire de Dorat, dont on connaît l'intérêt pour les Centuries et le rôle qu'il aurait pu jouer dans leur édition. Un correspondant du forum yahoo groups nostradamus, qui se présente sous le nom de Marvoir, nous signale la parution d’une œuvre de Marot sous le titre de L’Enfer de Clément Marot (1542). Il n’en reste pas moins que du point de vue de la production nostradamique, c’est une pratique qui n’est attestée que pour les Centuries. Ces considérations viennent compléter d’une part celles relatifs à la présentation même du nom Nostradamus qui dans les Prophéties, on l’a dit, ne revient ni sur son activité, ni sur sa ville et d’autre part les observations relatives aux vignettes de titre qui différent également quand on passe des Centuries aux pronostications de Nostradamus, dans les années 1550.

Bien entendu, au début du XVIIe siècle, on ne sera plus surpris, par imitation de la production de la fin du XVIe siècle, de trouver des Prophéties de Maistre Noël Léon Morgard, lequel texte est la première mouture imprimée des Sixains [4] et par la suite, au XVIIIe siècle, l'o trouvera les Prophéties Perpétuelles (..) de Thomas-Joseph Moult. On pourrait aussi citer le cas d'un ouvrage que nous avons édité en 1976, les Remarques astrologiques de J. B. Morin, Paris, 1654 ou encore La Pratique curieuse des Oracles de M. Comiers, Paris, 1694

Que conclure de notre inventaire? Nous réitérerons ce constat: la production de Michel de Nostredame ne recourt jamais, en dehors des Centuries qu'on lui attribue, à la forme " de". En revanche, Antoine Couillard adopte cette forme dès les années 1550 dans sa parodie et son attaque de Nostradamus qu'il refuse d'ailleurs de présenter avec ses titres ou avec la moindre forme de respect : c'est "Nostradamus" tout court dans ses Contreditz de 1560 tout comme les éditions des Prophéties de M. Michel Nostradamus de 1555 et 1557 ne mentionnent nullement sa qualité de médecin, ni sa ville.(Docteur en médecine de Salon de Craux en Provence). Il nous semble, donc, tout à fait concevable que Couillard ait été utilisé pour "calibrer" le titre des Centuries, ce qui n'enlève rien au fait que ses Prophéties soient bel et bien constituées, en partie, d'extraits d'une Epître de Nostradamus à son fils César, dont on n'a gardé, sous forme intégrale, que des versions plus tardives et certainement sensiblement retouchées.

Que Jean Bodin - ou en tout cas son éditeur- ait dès les années 1570 été publié sous la forme "de" et non "par" indique l'émergence d'un autre mode de présentation, qui fera que la forme "Prophéties de M. Michel Nostradamus" ou celle "Grandes et Merveilleuses Prédictions de M. Michel Nostradamus" ne sera pas complètement innovante. Au contraire, le précédent bodinien, Bodin étant le véritable auteur des ouvrages concernés, s'ajoutant au précédent couillardien, expliquerait cette forme "de" dans les années 1580 pour présenter une oeuvre dont on veut faire croire au public qu'elle est bien de Nostradamus. Le problème, comme souvent, c'est que toute tentative de produire des éditions antidatées se heurte à un sérieux risque d'anachronisme, la comparaison avec le corpus nostradamique attribué, par ailleurs, à Nostradamus, de son temps, étant, selon nous, assez rédhibitoire.

JH

16. 03 08

ESTUDES NOSTRADAMIENNES

Disparition et réapparition du second volet des Centuries, à la fin du XVIe siècle.

par Jacques Halbronn

Résumé : les centuries VIII à X ont une histoire distincte de celles des « premières » Centuries

Un des points les plus marquants de l'histoire des éditions centuriques est certainement celui qui concerne le sort de ce que l'on appelle généralement le "second volet" des Centuries, à savoir les centuries VIII, IX et X ainsi que celui de l'Epître à Henri II qui les introduit. Ajoutons que ce second volet peut éventuellement englober les sixains et les présages lesquels tendent, eux aussi, à apparaître et à disparaître, d'une édition à l'autre. C'est ainsi que les sixains sont absents des éditions Chevillot et présents dans les éditions Du Ruau, deux libraires troyens.

Récemment, P. Guinard a publié, sur son site [5] une étude intitulée

"Les éditions lyonnaises du début du XVIIe siècle, plus quelques autres (et la guerre éditoriale provoquée par l'assassinat de Henri IV) ". Il y signale que " Ces éditions, pour la plupart non datées, sont difficiles à situer les unes par rapport aux autres. Même l'édition Moreau, datée de l'an 1603, pose problème.".

Il convient, en effet, de s'intéresser de près à cette édition dont le titre n'est pas banal:

"Nouvelle prophétie de M. Michel Nostradamus qui n'ont (sic) iamais esté veues n'y (sic) imprimées que en ceste présente année. Dédié au Roy. A Paris, Pour Sylvestre Moreaui. Libraire. 1603. Avec permission [6] Rappelons en effet que la Bibliothèque de l'Arsenal est intégrée dans la structure de la BNF et que son catalogue est référencé informatiquement au sein de celui d la BNF)

Son contenu est plus classique : l'Epitre à Henri II, d'où le "dédié au Roy" et les centuries VIII-X, ce que le titre ne laissait pas nécessairement entendre. Tout se passe comme s'il s'agissait de l'apparition du second volet, faisant suite aux éditions à sept centuries parues entre 1588 et 1590, à Paris, Rouen et Anvers.

Mais entre ces deux états, l'on trouve avant cette date de 1603 plusieurs éditions comportant déjà un tel ensemble :il s'agit de l'édition de Cahors (Jaques Rousseau 1590, [7] et de diverses éditions telle que celle des Héritiers de Benoist Rigaud [8] non datée mais que l'on situe habituellement autour de 1597-1598, si l'on se fonde sur l'usage habituel de cette enseigne de libraire..

Ajoutons l'existence de l'édition Antoine du Rosne, 1557, de la Bibliothèque de l'Université d'Utrecht, dont le second volet est perdu mais laisse des traces dans la présentation du premier.:

Les Prophéties de M. Michel Nostradamus dont il en y a (sic) trois cents qui n'ont encores iamais esté imprimées. ADIOUSTEES DE NOU/veau par ledict Autheur

La présentation du premier volet est assez confuse, on en conviendra et ce précisément parce qu'elle inclut celle du second volet, ce qui n'avait pas été souligné jusque là. Nous voulons évidemment parler des éditions à deux volets car l'autre édition Antoine du Rosne 1557 (Bibl Budapest).ne comporte pas les lignes "ADIOUSTEES DE etc" alors qu'apparemment le contenu en est, à peu de choses près, le même. L'explication de ce "mystère" qui ne semble pas avoir attiré suffisamment l'attention des nostradamologues, c'est que dans un cas, on a une édition à 7 centuries et dans l'autre une édition à 10 centuries, le fait que le second volet ait disparu n'y changeant rien quand on sait que les deux volets sont bien distincts dans les éditions à 10 centuries de la fin du XVIe et du début du siècle suivant, lesquelles précisément comportent, en leur premier volet la dite mention "Adioustées de etc", comme on peut le relever pour les éditions rigaldiennes, et notamment dans celles datées de 1568 et à l'enseigne de Benoist Rigaud. Autrement dit, l'édition Antoine du Rosne Utrecht sera à peu près identique à celle de Benoist Rigaud 1568. Ce ne sont pas les aléas de la conservation qui devraient faire de l'édition Du Rosne Utrecht un cas unique....On notera cependant que l'édition Utrecht insiste au niveau typographique, par le recours aux capitales, sur cette addition alors que les autres éditions ne le font pas, ce qui nous semble correspondre à un état plus ancien, l'état nouveau tendant à évacuer les marques additionnelles trop voyantes. D'où l'importance du chaînon Utrecht dans l'histoire de la mise en place du second volet.

Une autre édition au titre tout à fait intéressant est celle conservée à la Bibliothèque de la Maison Nostradamus, Salon de Provence, acquise du fait de la dispersion de la Collection Ruzo:

Les Centuries et merveilleuses predictions Contenant sept Centuries, dont il en y à [sic] trois cents qui n'ont encores jamais esté imprimees. Esquelles se voit representé une partie de ce qui se passe en ce temps, tant en France, Espagne, Angleterre, qu'autres parties du monde,. Rouen, Pierre Valentin, s.d.

Le fait que cette édition non datée comporte une référence explicite à "sept centuries" pour le premier volet tranche avec les autres éditions connues, lesquelles ne le précisent point, tout comme c'est à Rouen que parut une édition à 4 centuries qui l'indique en son titre à la différence de l'édition Macé Bonhomme 1555. Nous pensons que l'indication du nombre de centuries est une marque de plus grande ancienneté du titre, même si l'éditeur qui figure est plus tardif....

Mais revenons à l'édition 1603 S. Moreau qui semble elle aussi constituer un chaînon remarquable et encore antérieur, structurellement sinon chronologiquement, au chaînon Utrecht, étant précisé que selon notre méthodologie une présentation peut être plus ancienne que l'édition qui en témoigne matériellement. Autrement dit, l'on ne saurait exclure que l'édition 1603 ne reprenne une formulation antérieure et ce, quand bien même cette édition 1603 serait elle-même antidatée, comme semblent le penser certains bibliographes, ce qui est, ici, un point assez secondaire, l'important, pour nous, étant ici de rétablir un certain nombre de chaînons, ce qui est une autre affaire que celle de leur conservation, les exemples abondant de résurgences tardives d'états anciens non conservés.(voir notamment le cas du libraire Antoine Besson, à la fin du XVIIe siècle ou même de la traduction anglaise de 1672 de Theophile de Garencières, en ce qui concerne la Préface à César)

Cette édition Moreau nous semble, bel et bien, attester d'une étape essentielle, celle de la réapparition du second volet, avant même que celui-ci ne soit réintégré au sein du canon centurique et en cela n'est pas sans nous faire songer au cas des sixains, d'abord parus sous le nom de Morgard [9] On ne devrait nullement être surpris d'une telle hypothèse car il faut respecter un certain agencement chronologique et une certaine vraisemblance dans l'ordre des choses. Selon nous, le canon à dix centuries tel qu'il se constitue à la fin du XVIe siècle aura intégré une publication séparée, ce qui expliquerait d'ailleurs pourquoi celle-ci y gardera une certaine autonomie.

Certes, l'intitulé Moreau est trompeur. Il reprend d'ailleurs une forme réservée au premier volet "qui n'ont jamais esté n'y imprimées" encore qu'il ajoute "que en ceste présente année", ce qui ne figure pas dans les autres éditions du premier volet et l'on peut d'ailleurs se demander si ce titre plus long n'est pas plus ancien et si le titre plus court n'aura pas été tronqué pour ne pas donner l'impression d'une émergence tardive : "en ceste présente année".

Autre point non négligeable, il s'en faut : la mention "Dédié au Roy", ce qui tient à la présence d'une Epître à Henri II. Mais justement, comment se fait-il que les autres éditions du second volet ne comportent pas une telle mention qui semble s'imposer? Rappelons que les Présages Merveilleux pour 1557 comportant une Epitre à Henri II le signalent sur la page de titre. Comment se fait-il notamment qu'une édition prétendument aussi ancienne que Benoist Rigaud 1568 ne comporte pas la mention "Dédié au Roy" qui figure dans l'édition Moreau 1603. Parmi les autres bizarreries de l'édition Rigaud, signalons le fait que l'on n'y indique pas que Nostradamus est décédé (1566), ce qui laisse entendre qu'il s'agit d'une reprise d'une édition censée parue du vivant de Nostradamus, à l'instar de celle d'Antoine Du Rosne 1557 Utrecht, dont on peut raisonnablement penser qu'elle devait porter, en son second volet, non pas 1557 mais 1558 pour correspondre à la date de l'Epître à Henri II.

Mais on ne peut aborder ces questions sans revenir sur la disparition de la dite Epître et des centuries VIII-X avant les éditions de la fin des années 1580..Il y a très peu d'éléments attestant d'une édition à 10 centuries avant la fin des années 1590. On a certes les quatrains cités dans le Janus Gallicus mais elle est tardive (1594). On a en 1585 la mention dans la Bibliothèque d'Antoine du Verdier d'une édition à 10 centuries de quatrains, indiquant Benoist Rigaud et 1568. C'est peu! Et l'on serait parfois tenté de dire que ce n'est pas assez si l'on ne se laisse pas, évidemment, persuader de l'existence d'une "vraie" édition 1568. Précisions, en effet, que lorsque nous débattions, tout à l'heure, des éditions Antoine du Rosne 1557, cela ne signifiait aucunement que nous entérinions la thèse d'une parution des Centuries du vivant de Nostradamus car de toute façon les Centuries, dans le meilleur des cas, sont posthumes.

On a aussi les passages des Centuries se trouvant chez Crespin, au début des années 1570, mais ils ne sont pas numérotés et d'autre part, il n'est pas exclu qu'ils n'aient été empruntés....à Crespin.....

Dans l'état actuel des choses, il semblerait que les éditions à 7 centuries introduites par une préface à César soient le vestige d'une édition à 10 centuries, dont on a dite que quelques quatrains figuraient dans le Janus Gallicus. Les Centuries VIII-X auraient été supprimées parce qu'indésirables et annonçant la victoire de la maison de Bourbon sur celle des Guises, ce qui aurait été peu apprécié par le camp ligueur. Mais n'aurait-on pu retoucher les quatrains problématiques?

Une fois les esprits calmés et Henri IV arrivé au pouvoir, il redevenait alors possible de réintroduire les centuries litigieuses, ce qui nous amène à l'époque même où parait le Janus Gallicus et des premières éditions rigaldiennes des années 1590, dans le contexte de tolérance de l'édit de Nantes (1598)

Et c'est alors que dut circuler cette Nouvelle prophétie de M. Michel Nostradamus qui n'ont (sic) iamais esté veues n'y (sic) imprimées que en ceste présente année. Dédié au Roy et dans la foulée les éditions à deux volets, toutes autant qu'elles sont, à savoir l'édition Antoine du Rosne 1557 Utrecht, toutes les éditions rigaldiennes, y compris celles indiquant comme date d'édition l'an 1568. A contrario, l'autre édition Antoine du Rosne Budapest 1557 correspond au stade des éditions à 7 centuries. La ligne de partage serait autour de 1593, avec la conversion d'Henri de Bourbon au catholicisme et son sacre à Reims.

En ce qui concerne la situation des éditions dont traite P. Guinard, dans son étude sus mentionnée, nous dirons qu'il faut prendre en considération les critères suivants:

la présence des sixains et des présages à la suite du second volet avec une épître à Henri IV datée de 1605.

le quatrain cryptogramme comportant la date de 1660.

La présence de l'Epître datée de 1605 est évidemment un critère qui aura permis d'éliminer des éditions datées... de 1568 encore que celles-ci ne prétendaient pas nécessairement à l'authenticité et tout au plus à la reproduction d'éditions supposées, hormis évidemment la dite épître

Les éditions lyonnaises de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècles se caractérisent par le fait qu'elles ne comportent ni les sixains ni les présages.. En revanche, les éditions troyennes comportent toutes les sixains, celle de Du Ruau, comprenant en outre les Présages, telles que figurant dans le Janus Gallicus. Ces éditions troyennes comportent en outre le quatrain cryptogramme 1660, ce qui nous les fait dater d'après la naissance du futur Louis XIV en 1638, terminus post quem. La période de la Fronde, à partir de 1649, avec notamment la production de Mengau, aura été un terrain favorable pour la production centurique à l'instar de celle de la Ligue. C'est de cette époque que date un nouvel intitulé des Centuries, Les Vrayes Centuries de Me Michel Nostradamus, Rouen, 1649, Jacques Cailloué etc titre qui dès l'année suivante deviendra Les Vrayes Centuries et Prophéties de Maistre Michel Nostradamus, Leyde, Pierre Leffen, titre que l'on retrouve notamment à la fin des années 1660 dans les éditions d'Amsterdam, très proches de celles de Du Ruau mais comprenant en outre le "Brief Discours de la vie de Nostradamus", emprunté au Janus Gallicus..

Les éditions Pierre Du Ruau 1605 et Pierre Chevillot 1611 nous paraissent antidatées. Dans le cas de la première, l'on aura voulu réaliser une édition portant la date de l'Epître à Henri IV datée de 1605. Il convient en réalité de la situer, au plus tôt, à la fin des années 1630 . Dans le cas de la seconde, qui ne comporte pas les présages mais seulement les sixains, elle ne peut qu'être postérieure à l'édition Du Ruau car elle ne se comprend pas sans la connaissance des présages. En effet, elle ne retient pas les présages de l'almanach pour 1561 repris dans l'édition de Paris 1588 ("Autres propheties cy dessous imprimées soubz la Centurie septiéme"), ce qui ne fait sens que pour une édition comportant par ailleurs les dits quatrains comme c'est le cas de l'édition Du Ruau. On relèvera un autre signe de dépendance de l'édition Chevillot par rapport à l'édition Du Ruau, le fait que chez Du Ruau, le quatrain cryptogramme est indiqué en tant qu'addition à la Xe Centurie alors que dans l'édition Chevillot, il est carrément présenté, ce qui est significatif d'un état plus tardif, en tant que quatrain 101.

On nous demandera ce qui nous permet de ne pas dater les éditions troyennes d'avant la naissance du dauphin, célébrée astrologiquement par Campanella et Morin de Villefranche. On a dit que le cryptogramme placée à la fin de la Centurie X, comportait la date de 1660. On voit mal comment un tel quatrain concernant un roi de France, "l'héritier des crapaux", pourrait viser un Louis XIII - et encore moins un Henri IV!- pour subjuguer "tout l'univers". Il n'est en effet pas coutumier de fixer des échéances prophétiques à des princes pour un âge avancé et en 1660, Louis XIII, s'il avait vécu, aurait eu 59 ans. L'exaltation prophétique autour de Louis XIII se situa dans les années 1630. Mais dès la naissance tardive (1638) de son fils, les espoirs se reportèrent sur lui et lui fixèrent comme ligne de mire l'an 1660, au début de sa vingtaine..

JH

19.02 08

Estudes nostradamiennes

Enseignements de l'édition rouennaise de 1589

par Jacques Halbronn

Résumé : historique des éditions élaborées du temps de la ligue

De nos jours, avec l’informatique, l’on peut retoucher un site, ni vu ni connu. Cela devrait nous édifier rétrospectivement en ce qui concerne les procédés des libraires qui n’avaient guère de scrupule à substituer une édition à une autre.

Un des secrets les mieux gardés de la bibliographie nostradamique concernait le contenu exact de l'édition réalisée, en 1589, par le libraire rouennais Raphaël du Petit Val, sous le nom "Les Grandes et merveilleuses prédictions de M. Michel Nostradamus etc"

Cet ouvrage appartenait à la collection constituée par Daniel Ruzo, il est désormais la propriété de Mario Gregorio qui nous en a communiqué, en janvier 2008, lors d'une visite que nous lui avons rendu, à côté de Londres [10]

Ruzo n'en avait pas donné une description détaillée notamment en ce qui concerne la présentation de la Centurie IV. R. Benazra ne donne aucun détail, dans le Répertoire Chronologique nostradamique (p. 125), sur la dite Centurie IV. Par ailleurs, l'exemplaire, le seul que l'on connaisse, est privé de son dernier cahier et notamment de la fin de la centurie VI - on ne sait s'il comportait l'avertissement latin, si ce n'est (cf infra) par le biais d'éditions qui peuvent en avoir dérivé, à commencer par l'édition d'Anvers 1590 de François de Sainct Jaure, qui porte le même titre et qui n'a ni l'avertissement latin, ni le quatrain 100 de la VI, et dont la centurie VII n'a que 35 quatrains contre 40 pour la plupart des éditions connues..

La comparaison avec les éditions parisiennes parues à la même époque est édifiante et elle n'avait pas été faite jusqu'à présent. On s'arrêtera notamment sur l'édition de la veuve Nicolas Roffet, datant de 1588 et donc antérieure à l'édition de Rouen de 1589 dont il vient d'être question , laquelle porte un titre différent, qui est celui figurant sur les éditions datées de 1555, 1557, 1568 et sur les éditions rigaldiennes des années 1590, sans oublier celle de Cahors, 1590, chez Jaques Rousseau et plus loin dans le siècle suivant, sur les éditions troyennes de Pierre Du Ruau et Pierre Chevillot.

Si, en effet, la centurie IV des éditions parisiennes (ce qui inclut donc celle de Charles Roger et celle de Pierre Mesnier, 1589) indique une addition après le quatrain 53, il n'en est pas de même pour la dite édition rouennaise de 1589, c'est à dire que la centurie IV se présente d'un seul tenant, comme si de rien n'était.

Pour nous, il doit s'agir d'un toilettage rouennais de l'édition parisienne de 1588, ce qui signifie là un terminus post quem. Ce n'est qu'à partir de 1589 que la centurie IV sera sans marque d'addition. Ce qui, évidemment, a pour effet, de souligner le caractère contrefait et antidaté des éditions portant la date des années 1550 ou 1560.

Il nous apparaît donc que l'édition rouennaise dérive de l'édition parisienne, qu'elle l'améliore sensiblement, non seulement au niveau de la centurie IV mais aussi à celui de la centurie VII, même si celle-ci a été soustraite à l'exemplaire dont on dispose. Si l'on étudie l'édition d'Anvers qui est probablement très proche de celle de Rouen, la centurie VII a été totalement remaniée, on a évacué les quatrains empruntés à l'almanach pour 1561 et l'on a produit un nouveau lot de quatrains constituant la dite centurie VII, à hauteur d'une trentaine. Il nous semble donc improbable que les éditions 1557 et 1568 qui comportent une centurie VII à 40 voire, pour celle conservée à Utrecht, à 42 quatrains, puissent être antérieures à 1589.

Jusqu'à l'étude que nous avons eu récemment le loisir de mener concernant l'exemplaire Ruzo de l'édition de 1589 - précédé d'une édition à 4 centuries que nous n'avons pas eu le loisir de consulter et qui fait également partie de la collection Ruzo, dispersée l'année dernière, ,nous pensions que l'on pouvait supposer que la centurie IV de l'édition de Rouen se présentait de la même façon que celle de Paris. Nous ne savions pas non plus laquelle des deux était la plus ancienne, laquelle dérivait de l'autre. Nous soutiendrons désormais que l'édition de Paris 1588 a précédé celle de Rouen 1589, non seulement en raison des dates dont elles sont porteuses mais aussi du fait de la disposition de la dite Centurie IV. R. Benazra place à juste titre l'édition de Rouen 1589 après les éditions parisiennes de la même année. En fait, comme on le verra plus loin, l'édition de Rouen ne s'est pas faite à partir de l'édition de Paris mais aura recouru à une autre édition non conservée dont l'édition de Paris est issue.

Rappelons qu'une précédente édition de la dite Centurie IV ne comportait que 53 quatrains, bien que, note R. Benazra, qui en donne une description dans son Répertoire Chronologique Nostradamique [11] l' exemplaire rouennais de 1588.à 4 centuries comprenait un quatrain terminal 53 mais avec les quatrains 44 à 47 sautés.

On comprend ainsi que les éditions de Rouen et d'Anvers à 7 centuries comportent en leur titre la mention "dont il en y a ( édition de Rouen) ou dont il y en a) trois cens qui n'ont encores jamais esté imprimées).", ce qui indique que les choses ne se sont pas faites en un seul temps. Les éditions comportant 10 centuries sont annoncées sur la page de titre du premier volet: "Adioustées de nouveau par le dit Autheur", une telle mention ne figurant donc pas dans l'édition de Rouen de 1589.. On ne reviendra pas ici sur la nature des 300 quatrains annoncés sur la page de titre.

Que l'on en conclue que les éditions de 1555 et de 1557 (pas celle de la bibliothèque universitaire d'Utrecht mais celle de Budapest) soient dérivées des éditons respectivement de 1588 et 1589 ne saurait sérieusement surprendre et l'on notera le faible écart de date au sein de deux ensembles, par ailleurs séparés d'une trentaine d'années.

Abordons à présent la question des dates de rédaction de la Préface à César laquelle ouvre les diverses éditions conservées, parues à Rouen, Paris ou Anvers.

Les éditions rouennaises donnent la date du 22 juin 1555. Benazra n'indique pas que cette date figure également sur l'édition de Rouen 1589 et ne l'indique que pour celle, à 4 centuries seulement, de 1588.: "De Salon, le vingt deuxiesme iour de Iuin Mil cinq cens cinquante cinq".

Or, tout nostradamologue un tant soit peu averti sait que l'édition de 1555 Macé Bonhomme et celles de 1557 ont leur préface datée du Ier mars 1555, tout comme l'édition de 1568. Quant aux éditions parisiennes, elles portent la mention du Ier mars 1557......Ainsi, la forme Ier mars 1555 pourrait avoir été un compromis entre les deux autres : le 1555 des éditions rouennaises et le Ier mars des éditions parisiennes(cf l'édition numérisée sur le site BNF Gallica, du parisien Pierre Mesnier, 1589) . Ce qui nous conduirait à considérer la dite forme du Ier mars 1555 comme tardive.

Pourquoi cet écart de près de deux ans dans les dates de rédaction de la Préface à César? Si l'on admet comme on l'a fait que les éditions parisiennes sont antérieures à l'édition Du Petit Val 1589, l'on serait tenté de considérer comme la première mouture, celle qui propose le Ier mars 1557, ce qui voudrait dire que la date de 1555 en place de 1557 ne sera avancée que dans l'édition de Rouen 1589 et Anvers 1590, mais avec la date du 22 juin. Ce n'est qu'ensuite que la forme Ier mars 1555 se serait imposée, ce qui repousse d'autant la date de fabrication des éditions portant les dates de 1555, de 1557 ou de 1568.

On notera que l'on a un décalage comparable entre la première Epître à Henri II datée de janvier 1556, in Présages Merveilleux pour 1557, et la seconde du 27 juin 1558, la date du 27 juin étant proche de celle du 22 juin. .

Essayons de reprendre une fois de plus la question de cette pseudo-chronologie rétroactive des années 1555-1557. Il s'agissait pour les faussaires de gérer un ensemble de 7 centuries, la question des centuries VIII-X n'étant pas alors à l'ordre du jour. Le second volet s'ouvre par une Epître à Henri II, datée de 1558. Nous avons exposé dans une précédente étude la thèse selon laquelle l'édition Antoine du Rosne 1557-Utrecht avait du comporter un second volet, si l'on s'en tient à la présentation de la page de titre qui comporte,à la différence de l'édition Budapest, la mention "Adioustées de nouveau par le dict autheur". Croire que ces deux éditions seraient véritablement parues en 1557 est anachronique. On aura simplement à des dates différentes se rapporter à une seule et même année, encore que selon nous le second volet Utrecht était daté de 1558, puisque l'"Epître au Roi l'est.

Revenons en à la seule question de la Préface à César et aux deux dates de 1555 et 1557 qui correspondent à deux années indiquées en bas de la dite pseudo-préface. Il ne faudrait pas croire que l'édition Budapest 1557 comportât, pour autant, une préface à César datée de 1557. Elle est bel et bien datée de 1555, ce qui pourrait surprendre. Signalons que dans l'Epître au Roi figure la mention du 14 mars 1557 : "mesmes de l'année 1585 & de l'année 1606 accomençant depuis le temps présent qui est le 14. de Mars 1557"

L'édition 1555 a 4 centuries dont la dernière s'arrêtant à 53 quatrains et l'édition 1557 Budapest a 7 centuries, la 4e étant cette fois "complète" et sans marque d'addition à la différence des éditions parisiennes de 1588 et 1589. La centurie VII est à 40 quatrains, sans avertissement latin entre la VI et la VIIe, ce qui selon nous correspond à une volonté de supprimer la trace d'un état à 6 centuries qui n'est pas attesté par une édition spécifique mais par l'étude de certains traces dans des éditions augmentées. Cette notion d'augmentation, nous l'avons déjà abordée pour la centurie IV. Les éditions parisiennes 1588-1589 ne comportent pas "la" centurie VII canonique. Il semble qu'entre ces éditions et celles d'Anvers 1590, il y ait eu un état intermédiaire à six centuries pleines, suivies d'un avertissement latin puis d'une centurie additionnelle, la VIIe n'atteignant pas plus de 40 quatrains.

Il faut bien comprendre que la chronologie centurique est un véritable dédale qui n'a rien de linéaire. C'est ainsi que des états plus anciens peuvent réemerger à des dates tardives: l'édition 1557 Utrecht comporte en effet l'avertissement latin (Legis Cantio pour Legis Cautio) à la fin de la VIe centurie, mais avec seulement 99 quatrains à la VIe centurie.

Il est clair qu'une épître n'est pas censée être redatée sous prétexte qu'elle ouvre un ensemble qui aura été entre temps augmenté. Ce qui fait que la date de cette épître peut induire en erreur, si l'on part du principe que la date de l'Epître pourrait servir de terminus post quem. Mais l'on peut aussi supposer que la date de l'épître ait pu être changée, repoussée, précisément en raison d'une addition, d'où la cohabitation de deux dates entre les diverses éditions, 1555 et 1557. Apparemment, les éditions parisiennes auraient changé la date de 1555 en celle de 1557 mais cette initiative aurait fait long feu et l'on serait revenu à 1555..

Mais l'on ne sait si la date initialement proposée était Ier mars 1555 ou 22 juin 1555, comme cela est attestée dans les deux éditions rouennaises dont celle à 4 centuries de 1588. Pourquoi deux dates différentes pour deux éditions à 4 centuries, Macé Bonhomme 1555 et Raphaël du Petit Val 1588? Nous avons signalé plus haut la date du Ier mars 1557 sur les éditions parisiennes.(cf R. Benazra, RCN, p. 118) Il semble que cette date ait été la nouvelle date faisant suite à celle du 22 juin 1555 et que les éditions de Rouen ont maintenue. Soulignons que les éditions de Rouen ne seraient, en fin de compte, point dépendantes de celles de Paris mais probablement d'une source commune qui aura été toilettée à Rouen- suppression de la marque d'addition à la IVe centurie notamment - et laissée telle quelle à Paris, sauf en ce qui concerna la date de la Préface à César.

Cette édition perdue de référence date vraisemblablement de quelques années plus tôt, autour de 1582. Elle comportait alors dix centuries. La préface à César devait y être datée du 22 juin 1555 et il n'est pas certain qu'elle ait alors comporté une Epître à Henri II. Cette édition était elle-même le recueil de pièces antérieures. En combinant les éditions de Rouen, d'Anvers et de Paris, l'on peut parvenir à restituer grosso modo le dit ensemble encore qu'il faille y ajouter l'édition de Cahors pour la fin de la centurie VI et la présence d'un avertissement latin car il ne s'agit point à l'évidence d'une addition tardive. Rappelons que l'édition 1557 Utrecht est fort proche du premier volet de l'édition de Cahors et que le second volet de Cahors recoupe probablement le second volet disparu de la dite édition antoine du Rosne 1557 Utrecht, étant entendu que cette édition 1557 n'est pas à l'origine de l'édition Cahors Rousseau mais calquée sur elle à l'instar de l'édition Rosne Budapest calquée sur une édition assez proche de l'édition Anvers 1590, voire de l'édition de Rouen 1557, dont nous n'avons pas la partie finale dans le seul exemplaire conservé.

. Que dire des travaux d'un Patrice Guinard quant à l'étude des variantes des éditions au niveau des quatrains (voir son site Cura.free.fr, Corpus Nostradamus)? Il est certes intéressant de rétablir les quatrains en leur forme la plus plausible mais cela ne signifie ni qu'ils sont le fait d'un seul et même auteur ni ne permet de déterminer la date de leur composition. Des variantes peuvent se succéder en un temps très court voire coexister, leur valeur diachronique reste très minime dans le domaine centurique. Ce qu'il faut comprendre en effet, c'est qu'une chose est la date véritable de publication, une autre celle qui est affichée. Dans un cas, deux éditions peuvent se suivre à quelques mois d'intervalle et se présenter comme étant parues à des intervalles beaucoup plus grands. Le temps des faussaires appartient à une dimension particulière.

Notre sentiment, jusqu'à nouvel ordre, est que la préface à César fut d'abord datée du 22 juin 1555, ce qui ne correspond ni à l'achevé d'imprimer du 4 mai 1555 figurant à la fin de l'édition Macé Bonhomme, ni au 30 avril 1555 de l'Extraict des registres de la Sénéchaussée de Lyon, placé en tête de la dite édition et qui s'ajustent en revanche sur la date du Ier mars 1555, date d'ailleurs assez problématique car elle ne semble pas tenir compte du style de Pâques et pourrait être lue comme correspondant au début de l'an 1556, si l'on part du Ier janvier : il faudrait lire alors Ier mars 1556. En revanche, la date du 22 juin 1555 ne pose pas ce problème et serait paradoxalement antérieure à celle du Ier mars 1555, selon les pratiques de calendrier de l'époque. Or, si la préface est du Ier mars 1556 (ancien style 1555), elle serait postérieure à l'achevé d'imprimer et à la permission d'imprimer. Rappelons que les Prophéties de Couillard sont datées de janvier 1555 et qu'il faut lire janvier 1556, comme le note Olivier Millet, ce qui serait gênant autrement pour un texte censé réagir à une publication de 1555.

Il convient donc de distinguer dans le champ nostradamologique, ceux qui sont spécialisés dans l'histoire des éditions centuriques et ceux qui le sont dans l'histoire des quatrains. Pour notre part, nous appartenons à la première catégorie.

Nous dirons en conclusion que le profane peut avoir du mal à suivre notre propos, ce qui nous conduit à penser que seuls des spécialistes de la question, au courant des dernières méthodes et découvertes, peuvent en juger, preuve que les études nostradamologiques sont une discipline à part entière que l'on ne peut aborder sans ridicule au hasard d'un jury de thèse et encore moins de post doctorat. C'est malheureusement ce qui s'est passé pour notre post-doctorat soutenu en octobre 2007 [12] le jury étant dans son ensemble assez peu compétent et ceux qui avaient étudié certains aspects du corpus Nostradamus n'ayant pas une connaissance à jour, ce qui exigea de leur part un effort démesuré pour appréhender notre travail dans sa globalité, sans parler du fait que nos conclusions remettaient largement en question leurs conclusions ou/et soulignaient certains carences de leurs travaux. Peut-on être juge et partie? Nous pensons que dans ce cas, la soutenance devrait tenir en un véritable cours magistral de 3 heures tenu par le candidat aux fins de former le jury à la recherche en cours.. Les professeurs d'université s'accrochent à ce privilège exclusif de peupler les jurys, arguant de leur compétence générale, souvent aux dépens des vrais spécialistes. Ces généralistes, portant le nom d'enseignants-chercheurs, jugeront les travaux sur des critères formels qui ne rendent pas justice à la qualités des dits travaux, confondant souvent les enjeux pédagogiques qui impliquent une certaine simplification et ceux de la recherche qui exigent de considérer un processus dans toute sa complexité..

NB On peut commander à Mario Gregorio deux DVD intitulés Répertoire Chronologique Nostradamus, le titre étant évidemment en référence à l'ouvrage de Robert Benazra, paru à nos éditions de la Grande Conjonction, en 1990, Répertoire Chronologique Nostradamique.

JH

26. 01. 08


[1] nostradamus@yahoogroupes.fr

[2] (site curaonline.fr)

[3] (cf l'extrait disponible sur Daily Motion de la dite soutenance et sur TV Urania, abcart.fr et le texte complet de notre travail sur le site propheties.it/halbronn)

[4] (cf nos Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002)

[5] (Corpus Nostradamus, Cura.free.fr)

[6] (BNF, site de l'Arsenal. 8°S 14343.

[7] Bib de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, Rodez)

[8] (Bibl Université de Londres, fonds Harry Price)

[9] (cf nos Documents inexploités sur le phénomène Nostradamus, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002) .

[10] , une copie, l'ouvrage étant d'ailleurs téléchargeable sur son site propheties.it, à la section Répertoire Chronologique Nostradamus.(propheties.it)

[11] (Paris, La Grande Conjonction 1990

[12] (voir les vidéos sur TV urania et Daily motion),

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